ROMANS
ADAM Olivier « Et toute la vie devant nous », Ed Flammarion 08/25, 313 p.
La famille de Paul, âgé de 10 ans, emménage à Juvisy, une commune située à une vingtaine de kilomètres de Paris dans un quartier pavillonnaire. C’est là que Paul va rencontrer deux enfants de son âge Sarah et Alex. Ils vont très rapidement devenir un trio inséparable que l’on va suivre sur quarante ans, de 1985 à nos jours. Nous retrouvons les thèmes chers à Olivier Adam : la famille, les non-dits, la disparition. La trame narrative de ce roman choral est construite avec une succession de faits échelonnés dans le temps de manière chronologique et racontés avec une alternance de 2 voix, celle de Paul et de Sarah. Qui pourra se libérer de cette relation toxique ?
ARIKAWA Hiro « J’ai trouvé un homme dans le jardin » Actes Sud. 346 pages.
Sayaka, jeune femme célibataire, rentre de son travail et découvre dans les buissons, devant chez elle, un homme jeune. Elle accepte de le recueillir pour une nuit. Il s’avère être charmant et bien élevé. Ils passent un accord : elle travaille et pendant ce temps, lui s’occupe de la maison. Itsuki est une encyclopédie vivante en botanique et en préparation culinaire des plantes. Bien sûr, leurs relations au fil des mois deviennent de plus en plus intimes et amoureuses. Et puis, un jour, Itsuki disparaît, sans explication. Roman charmant, empli des us et coutumes japonais.
AZEROUAL Yves et BARBIER Christophe « LA MONTRE D’HITLER » STUDIOFACT EDITIONS, octobre 2025, 319 p.
Depuis 1933, Julius TRAUB est l’aide de camp d’HITLER, à ce titre il consigne dans son journal tous les faits et gestes du tyran. Avant de se suicider HITLER confie à Julius, sa montre fétiche, laquelle contiendrait un secret de nature à permettre la pérennité du Reich.
Julius est fait prisonnier par deux soldats français de la 2eme DB, qui le dépouillent du journal et de la montre et le livrent aux russes qui le maintiennent en détention (en essayant bien sûr de le faire parler) jusqu’à la chute du mur. C’est en 1990 que débute notre histoire, Mia, la petite fille d’un des deux soldats va hériter du journal et de la montre, à charge pour elle de les restituer à leur propriétaire ou à ses héritiers. Comment arrivera-t-elle à démêler le vrai du faux, entre faux étudiants agents secrets, vrais fanatiques sous couverts de professeurs, faux antiquaires, vrais / faux policiers de tous bord ? Et finalement découvrir a-t-elle le secret de la montre ? Bien que ce thème ait été maintes fois abordé dans la littérature ou au cinéma, ce thriller bien écrit est agréable à lire, on se laisse volontiers entrainer dans cette course poursuite aux nombreux rebondissements.
BOYNE, John : « Les éléments », traduit de l’anglais (Irlande),
Editions JC Lattes. Août 2025. 506 p.
Une femme de la meilleure société dublinoise, pour échapper au scandale, trouve refuge sur une île irlandaise isolée, alors même qu’un jeune homme la quitte pour tenter sa chance en Angleterre, une chirurgienne hantée par des traumatismes de son adolescence commet des actes odieux, un homme et son fils ado s’engagent pour un voyage initiatique. Ce roman sombre au souffle puissant, à l’épaisseur romanesque incroyable nous entraîne dans les tréfonds de l’âme humaine. Le récit composé de quatre histoires parfaitement entrelacées et de personnages récurrents, fait preuve d’une grande cohésion narrative et par les sentiments, les actes, les relations disséqués de résonnances émotionnelles puissantes. Construit autour de thèmes très durs, le viol, l’inceste, la pédophilie, la prostitution, l’enfance ravagée, ce roman nous livre une réflexion sur la culpabilité, le pardon, la résilience avec une note d’espoir finale.
DESARTHE Agnès « L’oreille absolue ». 134 p.
C’est son 14éme roman. Elle écrit aussi pour les enfants, des essais, des pièces de théâtre. Prix du livre inter en 1996, prix Renaudot des lycéens en 2010, prix littéraire Le Monde en 2015.
Nous sommes dans un village, les années ne sont pas précisées (à mes yeux, entre 1990 et nos jours). « C’était un hiver lumineux et sec où rien ne semblait vouloir mourir ». Tous les personnages sont liés par l’harmonie municipale. Leurs destins vont se croiser autour de la musique. Jusqu’à Sonya, jeune arrivée avec sa maman dans ce village, qui note, observe et écrit sur un carnet qu’elle a fabriqué elle-même. Roman choral, déclaration d’amour à la musique, dans un huis clos. J’ai immédiatement pensé au film « en fanfare « , pétri d’humanité. Sans oublier le lyrisme de l’écriture d’Agnès Desarthe pour décrire la nature, les saisons, le ciel. Très joli livre, très attachant.
GOBY Valentine « Le Palmier ». Actes Sud. 319 p. Valentine Goby a écrit plusieurs romans, tous multi-primés. Vive est une enfant. Elle vit dans une maison entourée d’une mère aimante, douce, d’un père « nez », d’un grand frère collégien, d’un frère nourrisson et d’un jardin au milieu duquel trône un palmier malade et qui doit être coupé. Ce père, toujours entre 2 avions, lui fait de merveilleux cadeaux : des mots, des odeurs. Mais Vive a un problème : elle ne peut pas dormir seule. Il y a trop de dangers autour d’elle, un sécateur, une voiture rouge. Livre magnifique, écriture ciselée, raffinée, qui à travers 41 chapitres courts, construit des tesselles pour former une très belle mosaïque. De tous les romans de Valentine Goby, je suis incapable de dire mon préféré, peut-être celui-ci.
GURNAH, Abdulrazak « La voie des pèlerins », traduit de l’Anglais. Éditions Denoël, septembre 2025. 334p.
Daoud, jeune immigré Tanzanien, a fui son pays en proie à la guerre, au chaos pour trouver refuge à Canterbury, dans l’Angleterre de Margaret Thatcher. Toujours hanté par les horreurs dont il a été témoin dans son pays natal, il travaille comme agent de service du bloc opératoire de l’hôpital de la ville. Il y fait la rencontre de Catherine, jeune infirmière, Britannique, fille d ’avocat. Ils commencent à se fréquenter mais isolé, pauvre, victime de racisme et mal intégré Daoud doute. Ce roman écrit en 1988, s’articule autour de plusieurs thèmes : l’Afrique et sa violence, l’exil, l’Angleterre et son racisme. La narration lente, précise, la langue riche et le style puissant, permettent de détailler la vie de Daoud, de sonder son cœur, ses états d’âme, de décrire son quotidien sordide, le racisme dont il est quotidiennement victime. Le récit prenant explore avec force détails les déconvenues, les échecs, les déboires du jeune Africain. Excellent roman sur un Jeune Africain immigré qui essaye de prendre en main son destin.
HOMS Brice « QUELQUE CHOSE COMME DE L’OR » Ed C. Lévy-01/25- 433 p.
Dans un petit coin de Louisiane francophone perdu au milieu des bayous, une jeune infirmière, Jade, apprend que sa minuscule maison de retraite pour vieux musiciens va être vendue, ses pensionnaires expulsés Elle se débat dans ces pages où vont voisiner un géant policier, une fausse voyante et des fantômes venus du passé. Une maison léguée par un ancien pensionnaire résoudra-t-elle le problème ?
KOURKOV Andreî « LES BAINS DE KIEV » Ed L. Levy. 10/25- 391p.
Vingt-huit soldats de l’Armée rouge ont mystérieusement disparu aux bains municipaux de KIEV. Leurs vêtements sont retrouvés laissés au vestiaire. Ont-ils été assassinés ? Mais par qui ?
En 1919, tant de meurtres ont été le théâtre de la ville ! SAMSON, jeune enquêteur de la milice aura bien du mal à enquêter sur des indices contradictoires dans une Ukraine en proie aux turbulences qui semblent commencer à ressembler à l’époque actuelle … C’est compliqué, avec un humour lourd et une vodka coulant tout le long de l’ouvrage.
LAMARCHE Caroline « Le Bel Obscur » Ed Seuil- 08/25- 230 p. PRIX GONCOURT DES DETENUS 2025.
Alors qu’elle tente d’élucider le destin d’un ancêtre banni par la famille, une femme reprend l’histoire de sa propre vie. C’est une tentative par la narratrice d’élucider ce qu’a été son couple avant et après l’annonce par son mari de son homosexualité. Trente ans à comprendre comment avoir sa place sans mise à l’écart, tout en étant au service de sa famille, entre son mari et ses deux enfants. Trente à essayer de ne pas perdre la face dans cette vie en marge et pouvoir faire le deuil de cet amour dévorant. L’y aide cette si belle photo de couverture de cet ancêtre d’il y a 100 ans, costumé en mineur de l’époque. Prendra t’elle en main son destin ? En même temps, se lit d’une traite, mais en restant sur l’incompréhension de cette femme.
OATES, Joyce Carol : « Fox ». Éditions Philippe Rey, traduit de l’anglais (États-Unis), octobre 2025. 836p.
Dans la ville de Wieland (New Jersey) en pleine gentrification, on découvre dans un étang le corps démembré et décomposé d’un homme. Après enquête on s’aperçoit qu’il s’agit des restes du très respectable Monsieur Fox, professeur admiré de la prestigieuse Langhorne Academy.
Qui était cet homme qui changeait régulièrement d ’établissements scolaires, que contiennent ces carnets qu’il offre à ses élèves préférées et pourquoi a-t-il été assassiné ? Quel roman !! Avec son immense talent, Joyce Carol Oates nous dresse le portrait féroce d’une Amérique glaçante. Elle fait la description d’une société de faux-semblant, de respectabilité bourgeoise hypocrite ou l’on préfère une injustice à un scandale, d’une société ou le milieu socio-culturel détermine chaque individu dans son comportement, ses relations avec les personnes d’une autre condition, d’une société ou la porosité entre l’innocence et la culpabilité est trop grande. Dans ce contexte qu’en est-il de la responsabilité, de la justice ? Magnifique roman troublant, dérangeant sur une communauté et le mal, tapi en son sein.
PICHAT Bérénice « La petite bonne », Ed Les Avrils 08/24, 266 p.
Les Daniel, un couple sans enfants emploie une bonne pour tous les travaux ménagers. Le mari, Blaise est un mutilé de la première guerre mondiale dont la femme, Alexandrine s’efforce d’assurer les soins au quotidien. Alexandrine doit s’absenter pour un week-end chez une amie et confie la prise en charge de son mari à la bonne. C’est la souffrance et le sentiment d’être incompris ressentis par Blaise et l’employée de maison qui vont permettre à ces deux êtres meurtris de se rapprocher lors de ce huis clos improvisé. L’écriture est puissante ; elle alterne prose poétique et narrative ce qui rythme le récit. Au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, le propos se colore d’une rare intensité émotionnelle.
FERNEY Alice « Comme en amour », Actes sud, 8/25, 287 p.
Ce roman nous parle d’amitié de sa naissance à sa disparition. Peut-il y avoir une véritable amitié entre un homme et une femme ? Les deux personnages se rencontrent par le biais professionnel, l’un interviewant l’autre pour un magazine car c’est une styliste connue. Elle est vive, franche, mariée et apprécie sa vie familiale, tandis que lui est célibataire, secret, cynique. Et pourtant, un coup de foudre amical naît entre eux. Dès le départ, une complicité amicale s’installe entre eux, et Alice
Ferney se demande ce que l’on attend d’une amitié. Elle y répond (par les quarante chapitres de son livre où elle détaille toutes les émotions et les sentiments que procure une amitié pure, socle de ce roman. Deux questions sont importantes : qu’est-ce que l’on tolère de ses amis ? et qu’est-ce que l’on tolère de ses amis dans leurs rapports avec les autres ? Réflexions profondes explorées avec justesse et une écriture maîtrisée.
HIGASHINO Keigo « Le fil de l’espoir », trad. du japonais par Sophie Rèfle, Actes Sud, 5/25, 363 p.
Une femme divorcée ouvre son salon de thé, et elle est appréciée par tous les clients. Comment ça se fait donc qu’un jour elle est poignardée ? L’intrigue est développée trop lentement. Mais au final on a apprécié toutes ces histoires de famille auxquelles l’auteur a su trouver des points de jonction. On peut dire que tout y est sous le signe des liens de sang… Paru au Japon en 2019, ce polar n’est pas le plus réussi de cet auteur. Je l’appellerais presque polar bien-être car les enquêteurs ont plus d’égard envers les sentiments des personnes qu’ils interrogent que pour l’avancement de leur enquête.
HOCHET Stéphanie « Armures », Rivages, 3/25, 224 p.
Dans ce roman, l’écrivaine met dans la bouche de Jeanne d’Arc ces paroles : « Cette guerre est ma guerre. Je n’ai pas d’autre
avenir. J’ai saisi cette chance pour m’arracher à mon extraction, pour me libérer de cette condamnation à vivre comme eux. » C’est l’histoire de la Pucelle et l’histoire intime de l’écrivaine qui formule ainsi sa démarche : « C’est ainsi que je l’imagine, la rapprochant de moi pour tenter de la comprendre. » La sainte donc fuirait sa famille pour échapper à la vie ingrate de femme qui procrée… De là aux réflexions féministes, on apprendra que l’écrivaine suivait une psychanalyse, fut victime de maltraitances de la part de sa mère qui, elle, fut soumise au mari… Cela se termine par la révélation des crimes de viols et meurtres sur enfants d’un Breton de l’escorte de Jeanne.
LAMBERT Kev « Les sentiers de neige. Contes d’hiver », Le nouvel Attila, 10/24, 425 p.
En 2023 le jeune auteur québécois a eu le prix Médicis pour Que notre joie demeure. Son 4e roman est un texte sur « la plus terrible catastrophe. La fin de l’enfance. » L’aventure que vivront deux cousins – Zoey et Émie-Anne (9 ans) – est une occasion pour l’auteur de raconter les merveilles de l’enfance, principalement l’imagination et un certain monde de magie, avec en particulier démons, mondes fantastiques et portails vers d’autres dimensions. Le tout s’articule autour du jeu vidéo Zelda et on y baigne presque dans une atmosphère mystique. S’y ajoutent des questions d’identité flottante, avec l’image qu’un enfant peut avoir de son corps, et de son rapport aux autres.